Quelle est la valeur d’une action de veille ? Comment l’estimer et la valoriser en interne et auprès de clients externes ?
Ces questions ont été posées par Archimag lors de la journée de webinars “Veille & Knowledge Management” du jeudi 25 novembre 2021.

Je faisais partie des experts qui ont partagé leur point de vue lors de cet événement. 

Voici le compte-rendu des pistes que j’ai développées lors de la table-ronde “Veilleurs : que vaut vraiment votre veille ?”.

Le programme de cette table-ronde était assez précis, présenté sous forme de 3 grandes thématiques : 

  • Les TPE, PME, ETI et grands comptes ont-ils la même vision du marché ? Les mêmes besoins ? 
  • A quel besoin la veille répond-elle ? Quel ROI en attendre ? Comment mesurer son efficacité, sa diffusion, son spectre, etc. ? Avec quels KPI ? 
  • Comment impliquer et motiver les collaborateurs pour l’enrichir et partager leurs informations ? Comment développer le collaboratif ? Comment rendre votre veille interactive ? 

Les TPE, PME, ETI et grands comptes ont-ils la même vision du marché ? Les mêmes besoins ? 

A mes yeux, les visions du marché peuvent être différentes entre les TPE, PME, ETI et les grands groupes.

Au cours du webinar, Archimag m’a invitée à commenter le cas des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire, tandis que Cision donnait son point de vue sur les grands groupes.

Voici ma réponse : 

Le contexte VUCA (volatile, incertain, complexe et ambigu) conduit les petites et moyennes entreprises à s’adapter au plus vite face à l’accélération des mutations.

L’échelle temporelle est en plein changement : cela entraîne une rapidité de création de la donnée.

Dans ce contexte, il est important de continuer à faire comprendre la pertinence et l’enjeu stratégique de faire de la veille.

Le veilleur doit également prendre sa place. Ainsi, il peut : 

  • traiter ses commanditaires internes comme des clients
  • mettre l’accent sur la phase exploratoire et la définition du cadrage de la veille

Gestion du quotidien VS professionnalisation de la veille

A ce jour, bien que les dirigeants de PME ou ETI prennent conscience de la nécessité de surveiller et d’analyser leur environnement, ils sont encore orientés très vers la gestion du quotidien. Ils peuvent ainsi faire de la veille “sans le savoir” ou en fonction de besoins ponctuels. Les experts de la veille doivent donc encore utiliser la pédagogie et l’évangélisation pour démontrer l’intérêt de la veille.

Quand la prise de conscience est déjà faite, la professionnalisation de la veille (outils & méthodes) n’est pas encore arrivée à maturité : 

  • les veilleurs sont confrontés à l’infobésité, aux formats divers de données et d’informations, à la multiplication des canaux de communication, etc
  • il reste donc important d’investir du temps dans la phase d’exploration, de cadrage et de recherche préalable : ainsi la veille sera de meilleure qualité.

Une stratégie multi-outils et multi-sources 

Chez Scope, nous constatons également que les questions que nos clients nous posent sont de plus en plus pointues et complexes.

Face à ce constat, je pense qu’il n’est plus possible pour les prestataires de veille de répondre avec un outil unique. Il faut construire une stratégie multi-outils et multi-sources (contenus payants compris, ainsi que tournée vers le deep web : sites publics et open data, etc.).

La veille est un investissement

Du côté des veilleurs, ceux-ci doivent garder à l’esprit que la veille est un investissement. Les décideurs recherchent donc un ROI (retour sur investissement). Enfin, le temps d’exploration, bien que non “concret” sur la question du ROI, est un socle indispensable à une veille de qualité. Il vient par ailleurs soutenir l’évaluation du RONI (risque de non investissement) : que se passe-t-il si on ne veille pas ?

A quel besoin la veille répond-elle ? Quel ROI en attendre ? Comment mesurer l’efficacité de la veille ? Avec quels KPI ? 

Les KPI (key performance indicators) sont un véritable outil pédagogique permettant de faire comprendre l’utilité de la veille. C’est un outil de communication pour justifier, auprès des dirigeants, l’existence d’une cellule de veille.

Je vois cette tendance également au sein de grands groupes : de plus en plus, il y a une notion de re-facturation interne, ou de sponsorhip, de la veille. La veille devient un produit interne, à justifier.

Que mesurer ? J’ai proposé une sélection d’indicateurs clés à surveiller en fonction de l’objectif poursuivi : 

Les indicateurs de l’activité du veilleur

  • le nombre de veilles ou de recherches réalisées par mois
  • l’évolution du nombre de clients ou de destinataires de la veille
  • les indicateurs en fonction des thèmes suivis : mots-clés, fréquence, moyen de diffusion…
  • la comparaison face à un constat initial : sur le long terme, d’un trimestre à l’autre, puis d’une année à l’autre

Les indicateurs des produits et services liés à la veille

  • newsletter ou tableau de bord : nombre d’ouvertures, nombre de clics…
  • trouver les success stories grâce à des sondages et entretiens. Par exemple : Quel signal faible a permis de remporter tel contrat ? ou bien Quelle information concurrentielle a permis la création ou le repositionnement d’un produit ? etc.

Le cas du RONI

  • Les KPI peuvent aussi  être présentés sous forme de RONI : c’est à dire une mesure des risques que l’on prend à ne pas investir dans une démarche professionnelle de veille

Comment impliquer et motiver les collaborateurs pour l’enrichir et partager leurs informations ? Comment développer le collaboratif ? Comment rendre votre veille interactive ? 

Il est aujourd’hui essentiel de ne pas se limiter à une veille sur Internet ou sur quelques sources clés. Croiser la donnée formelle issue de la veille, avec la donnée obtenue sur le terrain (voire les données déjà présentes au sein de l’entreprise) est une bonne pratique.

C’est un constat fait chez les clients de Scope : il existe un besoin d’ajouter des informations internes et des informations terrain à la veille. En parallèle, on nous demande de plus en plus d’adjoindre des données issues d’enquêtes (par exemple via des entretiens téléphoniques).

Combiner la veille terrain à la veille classique permet d’avoir des relais au sein de l’entreprise : le service documentaire alimente la veille, et il a aussi le rôle d’antenne de diffusion et d’animateur de la veille.

En complément, lisez notre billet “Veille terrain : comment incorporer les remontées “terrain” à votre veille stratégique ?

En conclusion

Si l’on prend pour exemple l’un de nos clients, dans le domaine de l’électricité, je peux faire les constats suivants concernant le rôle de la mesure de l’efficacité de la veille : 

Grâce aux KPI, nous avons pu évoluer avec le client dans notre manière de concevoir la prestation de veille et de la rendre complètement opérationnelle : 

  • Basée sur une étude de marché, la phase exploratoire a permis de dégager des axes de veille et de comprendre l’information que l’on doit chercher par rapport à l’état du marché.
  • La phase suivante a porté sur la co-construction d’une veille avec le service marketing du client. Le service a pris en main la veille et mis en place une rotation entre les équipes, afin de faire une sélection régulière des contenus à re-diffuser au top management.
  • L’étape suivante porte sur la mesure des taux d’ouverture de la newsletter, ainsi que sur l’analyse de la manière dont l’information circule et est utilisée en interne. Cela nous a permis de décider avec le client de modifier la manière de transmettre l’information : + d’analyse et moins d’actualité brute. Ainsi, on ne “pousse” plus de la news, on contextualise et on met en forme avec une analyse quantitative et qualitative. 

Le rôle du veilleur évolue vers un apport de valeur fort. On ne fait certes plus appel à lui comme dans le passé, car tout un chacun fait de la veille. Toutefois, le veilleur a toujours un rôle très important à jouer : 

  • il doit amener à utiliser l’information pour conduire à l’action (le rôle informationnel simple est désormais accessible à tous), 
  • il va également aider à construire des requêtes et des recherches, pour répondre à des besoins de plus en plus complexes.